19 November 2017

Zone sans Evidence

          Au sud de l'Equateur, la pluie vient le matin. En termes de vivre en Afrique, vraiment y habiter, j'ai été dans une bande étroite, des deux côtés de l'Equateur, mais au côté miroire d'ici (Mvangan), ma chose préférée, c'était le son de la pluie sur les toits en tôle la nuit, m'endormir à cette musique. Les pluies matinales étaient rares, mais au moins ils retardaient le travail -- et soit les réunions se feraient, soit ils seraient des heures plus tard, soit ils n'existeraient plus. Je n'étais pas médecin, à l'époque. Le plan ce soir* c'était pour un feu de camp/ brûlure d'effigie -- il n'y a qu'une anglaise à ce poste, mais on a décidé de célébrer les fêtes de tout le monde. La pluie nous complique les plans aujourd'hui.

*5 novembre

            La pluie le matin. La saison de pluie qui devait commencer il y a plus d'un mois (aussi, par le calendrier interne que je connais par cœur depuis Cameroun -- de janvier, saison sèche, petite saison sèche, petite saison de pluie, saison de pluie). Des dates précises pour des décennies, des siècles, qui gouvernent le temps de semer, le temps de cueillir, et quand cela change (changement climatique globale...), tu ne sais pas quand semer ou planter, ça pourrait être trop tôt ou trop tard, et la récolte pourrait être moins, la même, ou être détruite. Proche d'ici, la situation d'insecurité pendant l'été (au nord du tropique de cancer), veut dire que les gens ont fuit leur villages et ils retournent lentement (ou pas du tout), et ils ne pourraient pas planter ou semer cette année, ou partiellement, ou pas du tout, ou à cause de la pluie retardée ça ira quand-même.


            Dans la médecine, parfois on dit que certaines choses sont dans des "zones sans preuves." Rien pour te guider, tu avances avec la foie absolue/aveugle et/ou connaissances et/ou espoir et/ou il n'y a rien d'autre qui reste. Ici, je ne vois que des patients avec le VIH et/ou tuberculose. Ce que j'aime avec le VIH, c'est aussi la pire chose. Tout est (peut être) plus compliqué. Le diagnostique différentiel s'élargie et change. Ce n'est plus le même contexte. Parce que tout peut arriver et le fait toujours (ce qui rend heureux l'interniste généraliste en moi). Au moins, c'est le VIH en Afrique. Travaillant aux Etats-Unis, c'est souvent une histoire différente, c'est réellement (peut être) une maladie chronique à gérer comme d'autres, plus de médicaments et des nuances à savoir, et (la plupart du temps) ça ne nécessite pas vraiment un spécialiste. Ici, ce n'est pas l'histoire.

            Avec la tuberculose, ça peut se manifester partout dans le corps, dans presque n'importe quelle manière. Et voilà pourquoi je l'aime. (Le syphilis est actuellement très similaire de ce point de vue. Et aux E-U, nous le disons du lupus). Protéiforme. Toujours en train de changer. Glissant. Et nous avons des tests pour la TB ici, plus que je m'aurai pu imaginer (aussi, moins). Mais parfois les résultats sont tous négatifs et tu es obligé de décider avec des probabilités, caractéristiques des tests, jugement clinique, et la foie aveugle. Et maintenant, quand ils demandent l'opinion du médecin avant de lancer le traitement pour la TB pour quelqu'un qui n'a pas de preuve de TB...c'est moi. C'est mon "jugement clinique." C'est ma "foie aveugle." Est-ce que je l'ai, même? Peut-être, ici. Zone sans preuves.

            J'ai changé de postes cette semaine. J'ai passé moins de temps à l'hôpital, donc il n'y a eu seulement un décès, à présent, sous mes mains (brièves). Il est décédé une heure après que mon collègue et moi l'ont vu, mon collègue a rapidement inséré l'aiguille spinale dans son dos pour un liquide cérébro-spinale parfaitement clair, et on ésperait avoir un diagnostique avant de lancer le traitement pour (ce que j'étais convaincue qu'il avait), qui lui avait mis dans un coma avec une fièvre de 41 deg C/106 deg F pendant des jours, et on ne savait pas qu'il était là. Quand on est parti chercher les résultats des examens, le matin, on a appris qu'il est décédé. Douze ans. On a trouvé le dossier. C'était une heure plus tard. Est-ce que, avec des tests négatifs, j'aurais quand-même instauré un traitement qui aurait eu le potentiel de le tuer d'une autre manière? Probablement. Parfois, ça vient de la déséspération. Pourtant, est-ce vraiment différent avec la chimiothérapie? Essaie de dernier recours, parfois. Peut-être. Peut-être quelques semaines ou mois ou années de plus. Ici, le plus souvent, étant donné à quel stade de maladies les patients viennent à l'hôpital, c'est mesuré en jours.

Moins de décès, la semaine dernière. Sous mes mains. Je ne sais pas ce que cette semaine apportera.

            Dans ce poste, avant d'aller voir les patients dans les centres de santé plus éloignés de la ville, j'ai assisté à plusieurs groupes de support pour les patients VIH-positifs (traduit du Swahili pour moi, avec diligence et considération, par mes collègues). Ils ont vraiment mis une emphase sur et effort dans les programmes psychosociales, y inclus les sessions individuelles et de groupes, ce qui ont été vraiment remarquables à voir. L'histoire d'une femme incluait voir le meurtre de son mari devant elle quand un groupe armé a forcé tout le village de sortir de leurs maisons (pas près d'où je suis. Elle a déménagé). Et beaucoup des discussions tournait autour de la honte. L'auto-stigmatisation, le rejet communautaire même pour la perception de "la" maladie. Et après avoir raconté leurs expériences, la famille qui ne voulait plus les toucher, manger avec eux, vivre avec eux, parler avec eux (il y en a, quand même, qui ont des histoires positives), ils se sont tournés vers moi pour plus de perspicacité, perspective. Comment, Docteur, peut-on mieux combattre la honte?

            Je n'ai rien à ajouter. J'ai entendu un peu de cela dans d'autres contextes, dans d'autres centres dans d'autres villes, sur un autre continent, dans un autre univers. Des patients qui enlèvent les étiquettes des bouteilles de médicaments, qui les cachent, les perdent. Etre rejeté par leurs familles, leurs communautés. Et me voici, parfois, très délibère à dire que je traite aussi le VIH aux Etats-Unis, que j'ai eu des patients là-bas qui sont morts du SIDA, que beaucoup des médicaments sont les mêmes (ou l'étaient...), que je décris la maladie de la même manière, et que plusieurs des leçons que j'ai enseigné, la semaine dernière, étaient traduites des présentations que j'ai déjà fait aux Etats-Unis, en anglais.

            Je ne sais pas, ne comprends pas, la plupart des choses que les personnes veulent vraiment savoir en médecine, ce qui leur est le plus important. Les battements randonnés de l'œil. Le mécanisme des palpitations (quand tu les ressens, et pourquoi à ce moment? Ce n'a pas une relation à la fréquence cardiaque). Et la honte. La question n'était pas autour de combattre le stigma, pas ce jour-ci. Nous demandons aux PVV (personnes vivant avec le VIH) de faire le témoignage de leurs expériences pour la Journée Mondiale du SIDA. Plusieurs se sont dit volontiers, veulent parler de leur parcours du dépistage/diagnostique à maintenant, comment ils étaient malade et qu'ils vont mieux aujourd'hui.

            Les infirmiers ici connaissent les médicaments (il n'y en a pas beaucoup), savent les tests du labo à faire (il n'y en a pas beaucoup), savent les signes et symptômes les plus communs. Ils connaissent les patients, parfois pour des années. Mais peut-être, peut-être, une nouvelle personne, de l'extérieurs, l'ex-pat, pourrait donner aux patients un autre perspective au sujet, une façon de raisonner et traiter et attaquer.


            Je n'ai rien.

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