30 October 2017

The more things change



All views represented here are mine alone and do not represent Médecins Sans Frontières.

Democratic Republic of Congo

Version française

 

"AFYA!"                     "KWA WOTE!"
"AFYA!"                     "KWA WOTE!"


I wanted to write about life this week. So I'll start with my favorite thing about health in Congo. Every health-related meeting I've been to, every support group, every time someone speaks they start and end with "AFYA!" (health) to which the group responds "KWA WOTE!" (for everyone). There's an incredible energy within it. It makes it easy to feel like an insider. And it adds to my very rudimentary Kiswahili (without it...there is no speaking with patients. Not much beyond "Bonjour." At all). This includes the group of PVV (Personnes Vivant avec le VIH, or People Living with AIDS) who actually search for patients who are "lost-to-follow-up" (have missed appointments for over two months). For patients who are newly diagnosed, they accompany them home. So many meanings in that word. We've been discussing plans for World AIDS Day (December 1st), and they're creating plays, songs, there will be dancing...apparently, "karaoke" just means a band with instruments. I have to admit I was very disappointed by the (to my ears) misnomer. (There's at least one Congolese song I could do, at this point...the lyrics are mainly "Sawa Sawa," which means "okay, okay").

There's life, here.

I don't need to mention the 3-month-old who died during my consultation (in obvious respiratory distress, complications from likely AIDS). Or how pediatric AIDS was the first thing I learned to diagnose in 2005, eight years before I was officially a doctor.

Le plus que ça change



Toutes les opinions représentées ci-dessous sont les miennes et ne représentent pas Médecins Sans Frontières.

République Démocratique du Congo

"AFYA!"                     "KWA WOTE!"
"AFYA!"                     "KWA WOTE!"

Cette semaine, je voulais écrire de la vie. Alors je commence avec ma chose préférée liée à la santé au Congo. Chaque réunion dans le cadre de la santé à laquelle j'ai assisté, chaque groupe de support, chaque fois que quelqu'un parle il commence et termine avec "AFYA!" (santé), et le groupe répond "KWA WOTE!" (pour tout le monde). Il y a une énergie incroyable dedans. C'est facile de se sentir membre du group, impliqué. Et cela ajoute à mon Kiswahili très rudimentaire (sans le Kiswhaili...c'est impossible à parler aux patients. Peu après "Bonjour" et "Comment ça va?"). Y inclus le groupe des PVV (Personnes Vivant avec le VIH) qui font la recherche sur le terrain des patients qui sont "perdus de vue" (ont manqué les rendez-vous pour plus de deux mois). Pour les patients qui sont nouvellement diagnostiqués avec le VIH, ils les accompagnent chez eux. Quel mot complexe. Nous sommes en train de discuter les plans pour la Journée Mondiale du SIDA (le 1er décembre) et ils créent des pièces de théâtre, écrivent des chansons, il y aura de la danse...apparemment, "karaoke" veut dire simplement un groupe de musiciens avec instruments. Je dois admettre que j'étais très décçue par la (à mes oreilles) fausse cognate. (Il y a au moins une chanson congolaise que je pourrais faire, déjà...la plupart des paroles sont "Sawa Sawa", ou, "Ça va, Ça va").

Il y a de la vie, ici.

Je n'ai pas besoin de mentionner le bébé de trois mois qui est décédée pendant ma consultation (en détresse respiratoire très apparente, des complication du SIDA probable). Ou comment le SIDA pédiatrique est la première chose que j'ai appris à diagnostiquer en 2005, huit ans avant que je ne devienne officiellement médecin.

22 October 2017

Not enough blood or water

Version francaise

Democratic Republic of Congo


There's one example I use whenever I talk about grief. How I came to understand grief in medicine. Grieving in Africa. Grieving when children die. And how people keep going.

It was 10 years ago. A Sunday, late morning. I was awake enough, outside on my porch, maybe reading, maybe walking down to the hospital to see friends. I saw Doc running. Yvonne running. Cecile running. Julie running. So I went. And in the salle de consultation was a disheveled mother, listless child on her lap, Cecile connecting an IV from her arm to the child's arm, there wasn't time for a real transfusion. I was there for minutes or hours, or seconds, standing back, watching them work, not knowing how valiant it was in the face of most likely futility. And the child died. And I forget at which point or who noticed it first. There weren't any chest compressions that I remember or anything else done for resuscitation. But we didn't have oxygen, I don't think, and I know we didn't have anything else.

I remember the mother throwing herself on the ground, screaming, outside la salle, where we'd have 100s lined up for vaccinations. Banshee-wailing. It went on. I don't remember where the child was at that time. It was the first time I had seen death happen, and I don't know at what point it happened, and in the events of attempted, urgent resuscitation, and I had wanted so badly to be in it.
I remember going back (500 ft) to my house, lying on my bed, staring up at the ceiling through the mosquito net canopy. I remember wandering into town that afternoon and finding bananas, which I hadn't seen in weeks, I remember talking to a friend after that (no power, but the landline in town was working that day! 1/100 occurrence) and when they asked me how my day was, I said, "Great! I found bananas!" And I meant it.

Severe anemia. From malaria. Died from not enough blood. It's a common story for malaria in kids.

Insuffisance de sang et d'eau

République Démocratique du Congo

Il y a un exemple que j'utilise quand je parle du chagrin. Comment j'ai commencé à le comprendre, dans la médecine. Vivre les décès, faire le deuil en Afrique. Vivre les décès des enfants. Et comment les gens continuent.
           
Il y a dix ans. C'était un dimanche, tard dans la matinée. J'étais assez réveillée, dehors sur ma véranda, peut-être lisant, peut-être allant à l'hôpital voire les amis. J'ai vu Doc en train de courir. Yvonne courrait. Cécile courrait. Julie courrait. Alors je suis allée. Et dans la salle de consulte, il y avait une femme désespérée, débraillée, avec un enfant léthargique sur ses genoux, Cécile en train de connecter une voie intraveineuse entre son bras et le bras de son enfant, il n'y avait pas le temps pour une vraie transfusion. Le sang coulait. J'étais là pendant des minutes ou des heures, ou quelques secondes, un peu à l'écart, les regardant travailler, pas comprenant à quel niveau c'était vaillant de leur part dans la face de, plus probablement, la futilité. 
Et l'enfant est décédée. Elle a donné l'âme, aux termes de l'expression. Pendant qu'on la regardait, pendant que mes collègues, mes chers amis, faisaient de leur mieux. J'oublie à quel point ou qui s'en est aperçu en premier. Dans mes souvenirs, il n'y a pas de compressions thoraciques, ou rien d'autre fait pour la réanimation. Mais je ne crois pas qu'on avait même de l'oxygène, et je sais qu'on avait rien d'autre qu'il aurait fallu.

Je me souviens de la mère qui s'est jetée sur l'herbe dehors de la salle, hurlant, où parfois on aurait une centaine des personnes attendant les vaccins. Je me souviens de ses gémissements, comme une banshie. Ça continuait. Je ne me souviens pas d'où était sa fille, décédée à l'âge de trois ans.  C'était la première fois que j'ai vu la mort, active, devant mes yeux, le passage, et je ne sais pas quand ça s'est passé. Et pendant les actes urgentes pour la réanimation, je voulais tant être parmi ceux qui agissait. (Voilà pourquoi j'ai quitté le Cameroun, pour devenir médecin).

Je me souviens de rentrer chez moi (500 pieds), de m'étendre sur mon lit, de fixer sur le plafond de ma chambre à travers la canopée de la moustiquaire. Je me souviens de me promener au centre ville, cet après-midi et de trouver des bananes, que je n'avais pas vu depuis plusieurs semaines, je me souviens de parler avec une amie après cette grande découverte (il n'y avait pas de courant, mais le téléphone fixe pour tout Mvangan fonctionnait ce jour-ci ! Evènement d'un jour sur cent), et quand elle m'a demandé comment j'avais passé la journée, je lui ai dit, "C'était fantastique J'ai trouvé des bananes !" Et j'étais sincère. Je n'avais oubliée la petite fille, morte à l'âge de trois ans. Je l'avais pleuré. Je la vois, je pense à elle, dix ans plus tard.

Morte à cause d'une anémie aigue. Du paludisme. Morte à cause de manque de sang. C'est une histoire très courante pour le paludisme chez les enfants. Ici.